Une différence notable avec le yoga des postures (asanas)
Dissipons un malentendu. En occident, quand on parle de « yoga », cela renvoie généralement au hatha-yoga, c’est-à-dire un ensemble de postures (asanas) et de pratiques respiratoires (pranayama), le tout agrémenté d’un peu de « méditation ». Quand on dit “j’ai fait mon yoga”, il faut comprendre : “j’ai fait mon heure hebdomadaire -ou quotidienne- en termes de postures et respirations”.
En inde, le décalage est abyssal, car toute la vie est un yoga. Et le moindre instant doit être intégré comme un acte de yoga, même durant le sommeil. En conséquence, si quelqu’un affirmait “j’ai fait mon yoga”, les gens se prosterneraient aussitôt devant ce grand sage, ce maître qui aurait réalisé son « moi divin ».
Car le yoga est chemin d’union avec ce qu’il y a de plus beau, de plus céleste en soi : un espace tellement prodigieux qu’on l’a qualifié de part divine de la conscience.
Selon la tradition indienne, il existe trois voies classiques : le karma-yoga, pour la voie de l’action juste ; le jnana-yoga pour la voie de connaissance-réalité, le bhakti-yoga pour la voie de l’amour-dévotion. Notons qu’au 20ème siècle, sri aurobindo a proposé un yoga complet (le « yoga intégral »), qui unifie dorénavant les trois voies habituelles. Le hatha-yoga est considéré comme une bonne porte d’entrée au yoga, une étape de préparation pour ressentir son corps et sa respiration, avant d’agir dans la sphère de l’être. Dans notre propos, la lumière d’un yoga dix-millénaire correspond évidemment à l’acception la plus large de la science yoguique, ouverte sur l’humain tout entier.
Reprendre les rênes de sa vie
Le yoga représente un patrimoine universel, avons-nous dit, ce qui exclut de devoir se “convertir” pour y accéder, même sur un plan culturel. Pour un œil averti, nombre de grandes figures européennes en ont eu une pratique personnelle, spontanée, intuitive. Chez les musiciens, on pense volontiers au célèbre Franz Liszt et, de façon plus explicite, au grand violoniste du 20ème siècle qu’était Yehudi Menuhin. Parallèlement, de grands scientifiques pratiquaient un art de la méditation sans le savoir, et accédaient ainsi à des idées nouvelles, profondes, révolutionnaires.
Albert Einstein aimait dire que, très certainement, nous n’utilisons même pas 10% de nos facultés. Quand on entrevoit la profondeur spirituelle de l’homme, on conçoit qu’il ne s’agit pas tant de facultés mentales ou intellectuelles, que de facultés de conscience intérieure.
Pour illustrer ce propos, imaginons que chaque être humain se trouve à bord d’un petit canot, lâché sur l’océan de la vie, ballotté sans répit par les vagues de l’émotion, toujours inquiet des tempêtes se profilant à l’horizon, cherchant un port d’amarrage et s’épuisant à ramer, en espérant que ce soit dans la bonne direction. Sans doute le canotier a-t-il les poches pleines d’assurances diverses : en cas d’eau trop salée, de stress insupportable, de solitude excessive, de rames brisées, de terre trop lointaine, de mer trop immense…
Le parallèle avec le yoga, c’est qu’en fait, ce frêle esquif dispose de nombreuses potentialités, oubliées ou méconnues. Possibilité d’actionner une lame de plexiglas qui le recouvre en le rendant insubmersible, captation d’énergie solaire et marine à des fins diverses (moteur, cuisson d’aliments, obtention d’eau douce), fonctionnement d’un système radio qui le relie aux autres et à une centrale de guidage par satellite… Bref, le passage dans une autre dimension, où l’on reprend les rênes de sa vie. Voilà ce que nous offre la science du yoga, dirigée vers l’intérieur de l’être.
Avec ses techniques simples et naturelles, nous pouvons dire que le yoga du cœur nous propose d’aller au cœur du yoga.